Target market ?

Cet article est tiré de nuke magazine n°7 proposé gratuitement par le label indépendant Jarring effects, reproduit avec leur autorisation, il n’est pas soumis à la licence du site.

Afin de recituer le contexte, j’ai reçu un exemple de ce magazine suite à une commande sur le site cd1d et il me semblait important de publier un avis autre que celui des majors ou de leurs opposants, je me passerai donc de commentaire.


Le marché du disque est morose, dit-on, vous l’entendez depuis des années. Mais pour le label Jarring Effects, cette baisse a eu lieu en février 2006. On pensait passer au travers mais aujourd’hui cette situation nous touche profondément (–40% de ventes) ainsi que d’autres labels indépendants. Cette situation est-elle temporaire ? Aucune idée !

Mais cela me trouble quant à l’avenir de notre métier, qui est beaucoup plus proche de l’artisanat que du processus industriel tel Star Ac’ et Cie. Les raisons d’un tel phénomène sont multiples, la première, clamée haut et fort par les majors, étant le téléchargement sans complexe des abonnés haut-débit internet. Il y a évidemment une corrélation. Quel passionné de musique n’a pas téléchargé avec son gros débit du son (entre autres) sur le net ? Quelques puristes ou certaines billes en informatique ! Mais il est tellement simple d’avoir ce que l’on veut qu’il est difficile de s’en passer. C’est devenu un art de vivre pour certains, une manière de consommer de la musique pour d’autres.

Lors du débat sur la loi DADVSI*, le téléchargement dit illégal était dans la ligne de mire du projet de loi, et la loi a eu gain de cause. Le législateur n’a pas cherché à comprendre un comportement de masse mais a appliqué la répression sans état d’âme ! (c’est dans l’air du temps !). Une notion était apparue dans le débat, la « licence globale ». Il s’agissait de faire payer à l’internaute une somme supplémentaire sur son abonnement internet pour pouvoir librement télécharger, redevance ensuite reversée aux ayants-droits (même principe que la redevance sur la copie privée). Evidemment la répartition des sommes perçues s’avérait délicate à réaliser. Les sociétés civiles comme l’ADAMI et la SPEDIDAM, en charge de représenter les artistes interprètes étaient favorables à cette licence, alors que les producteurs de variété française (dits indépendants ?) ont tout fait pour décrédibiliser cette licence. Résultat ? Ce projet a été trucidé sur place alors qu’il ouvrait le débat sur d’autres possibilités pour rémunérer les interprètes, auteurs et compositeurs de musique.

Justement, ce qui compte pour nous, c’est de pouvoir communiquer avec notre public et de lui apporter l’information qui lui manque concernant notre activité. Tel le slogan de cd1d.com « télécharger c’est découvrir, acheter c’est soutenir ». Pas de répression ! Notre public doit comprendre que son action a une portée, et que les conséquences peuvent être graves sur notre travail. Autre élément important à prendre en considération : la baisse de revenu de ce public. Il ne lui reste pas forcément grand chose pour acheter des disques et aller voir des spectacles. Donc quitte à choisir on peut penser que l’internaute paye sa place de concert et télécharge l’album, car il a déjà payé un abonnement internet. Que faire ? Une solution se profile à l’heure actuelle, déjà proposée lors du court débat sur la licence globale : faire payer les fournisseurs d’accès ! Car si on paye une redevance sacem en diffusant de la musique dans son magasin, en organisant un spectacle, ou en diffusant nos propres productions sur nos sites internet, pourquoi ne pas faire payer aux fournisseurs d’accès à internet une redevance sur le chemin d’accès permettant de devenir un délinquant numérique ? Au final notre avenir est incertain. Le disque ainsi produit devient un simple outil de communication pour l’artiste, vecteur d’une image forte. Il devient préférable d’être producteur de spectacle que producteur de disque. Ajoutons que le numérique fait que les artistes peuvent produire leur disque à moindre coût chez eux avec une qualité honorable (bien que cela ne vaille pas un travail fait en studio). Télécharger ouvertement c’est ainsi méconnaître notre travail de producteur qui ne s’arrête pas là.

Produire c’est aussi une passion, une prise de risque humaine, artistique et financière, bien top souvent ignorée.

Avec les émissions de télé people, notre métier est vu comme un travail de nanti qui se fait du fric sur le dos des artistes. On est bien loin de tout ça ! Moins de revenusignifie moinsd’artistesproduits,desconditions de production à la baisse... Bien que la production de phonogramme dite indépendante soit un secteur doté d’aides financières, celles-ci sont restreintes. Il n’y en a pas pour tous, alors que les demandes sont de plus en plus nombreuses. Auparavant ces aides venaient essentiellement des société civiles (ADAMI, SPEDIDAM, SPPF, SCPP, FCM - loi Lang de 1985). Depuis quelques années les collectivités locales financent aussi le secteur du disque, comme la région Rhône-Alpes.

Ce complément d’aide est substantiel, et dans certains cas vital. C’est dommage d’en arriver là. Alors pour répondre à ces baisses de ventes, nous avons créé avec d’autres labels - Aïlissan, Crash Disques, Facto Records, Foutadawa, Irfan et Vicious Circle - l’asso cd1d.com, qui a mis en place le site internet du même nom : www.cd1d.com. Nous vendons ainsi nos productions par correspondance (en numérique à l’automne prochain), sans intermédiaire, à un prix moins élevé que dans les grandes enseignes. Aujourd’hui, de nombreux labels nous ont rejoints (une vingtaine, représentant plus de 500 références CD et Vinyl), chacun étant adhérent de l’association et sensible au(x) projet(s) que nous menons ensemble. En attendant, soutenez-nous, écrivez-nous, apportez vos critiques (constructives) et vos remarques (pertinentes)...

Merci d’avance !